Familles belges détenant des "fonds dédiés"
De nombreuses familles belges investissent dans un fonds d’investissement (un organisme de placement collectif, OPC) dédié. Parfois aussi, elles investissent dans un compartiment d’un fonds qui leur est dédié. Cette technique offre une grande flexibilité aux membres de la famille pour définir leur propre politique d’investissement et leur propre politique de distribution. Certaines banques privées luxembourgeoises s’en sont fait une spécialité en proposant des fonds d’investissement spécialisés (SICAV-SIF) dédiés. "Les parts de SICAV-SIF dédiées luxembourgeoises exercent une véritable fascination chez les Belges fortunés. Ce n’est pas un hasard si, depuis 2018, le législateur a inclus ce type de véhicule parmi les ‘constructions juridiques’ tombant sous le coup de la taxe Caïman", explique Denis-Emmanuel Philippe.
Lutter contre l'évitement via un homme de paille
La Cour des comptes recommande à présent au législateur de définir le pourcentage de participation minimum qu’une personne non liée doit respecter pour que l’OPC ne soit pas soumis à la taxe Caïman. L'objectif poursuivi consiste à entraver les stratégies d’évitement de la taxe, consistant à faire rentrer dans l’OPC un "tiers" (un "homme de paille", par exemple un conseiller) détenant une participation dérisoire, de manière à ce que l’OPC ne soit plus "dédié". La Cour des comptes préconise aussi de renverser la charge de la preuve, de telle sorte que le contribuable doive lui-même démontrer qu’il n’est pas actionnaire d’un OPC dédié. Denis-Emmanuel Philippe pense que la fin de la récréation est proche : "Bon nombre de familles belges, qui échappent jusqu’ici à la taxe – car une faible partie des parts du compartiment est détenu par un "tiers" – pourraient désormais tomber en plein dans la taxe Caïman si le ministre suit la Cour des comptes. Cela pourrait ramener pas mal d’argent dans les caisses de l’État, car ce sont généralement des particuliers fortunés qui détiennent ce type de structures."
Contrat d’assurance-vie de la branche 23 lié à un fonds dédié
Un placement similaire fort prisé échappe encore aux mailles du filet de la taxe Caïman: le contrat d'assurance-vie de la branche 23 lié à un fonds dédié. Commercialisé principalement par les compagnies d'assurance luxembourgeoises, ce produit est taillé sur mesure pour un client: le fonds d'investissement sous-jacent lui est, en effet, entièrement "dédié". Le preneur peut ainsi définir avec l’assureur son profil d’investissement (type d’actifs inclus et exclus, règles de gestion du fonds dédié, etc.). Dans deux rulings du 2 février 2016, le service des décisions anticipées (SDA) a confirmé que, moyennant le respect de certaines conditions, les contrats d’assurance-vie liés à des fonds dédiés ne constituaient pas un "abus fiscal". À suivre ces décisions, les revenus générés par ce produit ne sont donc pas taxables au titre de revenus mobiliers. Mais là aussi, Denis-Emmanuel Philippe entrevoit du changement : "L’administration a fini par se lasser de ce savant montage de défiscalisation et est à la recherche d’un remède pour faire rentrer ces produits d’assurance liés à des fonds dédiés dans la taxe Caïman. Le secteur des assurances est prévenu."
Présomption dans le cadre de l’UBO
La Cour des comptes recommande également d’introduire dans la loi une présomption réfragable de fondateur lorsque le contribuable belge figure dans le registre UBO (ultimate beneficial owner) en tant que bénéficiaire effectif d'une construction juridique étrangère. La Cour veut ici remédier aux difficultés rencontrées par le fisc lors de l’identification des "fondateurs" de constructions juridiques, liées au manque d'informations sur les structures étrangères.
Droits de succession
La taxe Caïman n’a, en principe, aucun impact sur les droits de succession. La Cour des comptes recommande cependant de permettre à l’ISI de procéder à un échange de données systématique avec Vlabel (Vlaamse Belastingsdienst) et l’AGDP (administration du cadastre) concernant les constructions juridiques dont le "fondateur" est décédé. La Cour constate, en effet, que, dans de nombreux cas, les droits de succession ne sont pas perçus lorsqu’un fondateur décède.
Le résumé
- Certaines échappatoires à la taxe Caïman pourraient bientôt être supprimées.
- Les familles belges détenant des "fonds dédiés" au Luxembourg seraient les premières visées.
- Les contrats d'assurance-vie de la branche 23 liés à un fonds dédié seraient également visés.
- Une présomption de fondateur pèserait sur le contribuable belge qui figure dans un registre UBO.